Image extraite du diaporama qui accompagne le premier titre, Per Slava, de Penderecki.
©Loïc Vincent

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Vincent Courtois : violoncelle

« C’était au début de l’année. Une idée folle, un vieux désir inassouvi, une obsession restée brumeuse, un rêve à portée de main depuis toujours repoussé à plus tard : faire un beau voyage… un long voyage ! Depuis longtemps, j’apercevais ce pont reliant deux mondes : la musique que je pratique, l’improvisation, ce jazz qu’on dit européen et la musique classique du 20ème siècle. Quelques grands aînés et amis avaient ouvert la voie ; alors, seul avec mon violoncelle et quelques archets j’ai décidé de traverser ce pont. D’emblée je suis tombé sur une montagne qui me semblait infranchissable : Penderecki. J’ai failli rebrousser chemin ou en chercher un autre pour la contourner. Mais non ! À la maison, dans les hôtels, dans les loges et même en avion, je me suis accroché, j’ai pris le temps et finalement, parvenu au sommet, j’ai découvert au loin une magnifique épaisse forêt de portées noircies : Ligeti. Je m’y suis engouffré, je m’y suis griffé pour trouver mon chemin. Puis j’ai découvert quelques clairières, sublimes miniatures dépouillées d’Hans Werner Henze. Alors, l’acharnement, l’exigence ont commencé à porter leurs fruits : le plaisir est enfin arrivé comme un cadeau encourageant… une intime et addictive satisfaction. Un jour de mars, nous avons été confinés. Le temps s’est arrêté, figé…le mien s’est décuplé ! Tous les jours, au petit matin, je reprenais ma route. J’ai décidé de commencer à enregistrer. Hindemith et les cinq mouvements de sa sonate m’ont autant passionné que questionné. Mon ami Dominique Pifarely m’a proposé une profonde et organique Litanie. J’ai découvert la Paduana d’Honegger, un élégant bijou enfoui et oublié. Finalement nous avons été déconfinés et avec Berio, Les mots sont allés… Aujourd’hui, mon pupitre plie sous la musique de compositeurs fascinants que j’aimerais jouer et qui, je le sais, nourriront la mienne. Finalement, j’ai découvert un monde, un autre endroit que j’aime, une terre d’accueil de l’autre côté d’un pont que j’espère longtemps traverser. »
Vincent Courtois

« Early this year, a crazy idea came over me – an old longing, a somewhat hazy obsession, a dream well within my reach, yet never fulfilled: to go on a long beautiful journey. For a long time I’d been contemplating a bridge between two worlds: the music I make, improvisation – that so-called European jazz – and twentieth century classical music. A few great elders and friends had paved the way so, with my cello and a few bows, I set out to cross that bridge. But I immediately stumbled upon a seemingly unclimbable mountain: Penderecki! I considered walking back or sidestepping the obstacle. No way! At home, in hotels, backstage and even on airplanes, I persisted, taking my sweet time and eventually; once I’d reached the top, I spotted in the distance lovely, dark, deep woods: Ligeti. I rushed in headlong, scratching my face and hands on brambles, looking for a safe way. Then I came across a few clearings, sublime, pared down minatures by Hanz Werner Henze. My relentlessness and perfectionism started bearing their fruits: I finally found pleasure which I welcomed as an encouragement. Back in March, when lockdown first started, time stood still and suddenly I had all the time in the world. Every morning, in the early hours, I’d get going. I decided to start recording. Hindemith and his five-movement sonata thrilled and challenged me. My friend Dominique Pifarely shared with me a profound and organic Litanie. I discovered Honegger’s Paduana, an elegantly chiselled yet long-forgotten piece. When lockdown was finally lifted, and with Berio, The words were gone… Today, my stand disappears under the music by fascinating composers that I long to play – music that I know will nurture my own. In the end, it’s a whole world I discovered, a new place I love deeply, on the other side of the bridge I’m hopefully nowhere near done crossing.« 
Vincent Courtois